Interprétations
Bunkering
Planté au cap du Moulin, j’ai regardé vers l’ouest en cherchant l’infini. Je n’ai trouvé que le crépuscule qui anticipait la nuit. Une fois, j’ai cherché la lumière de l’aube sur les arrêtes sombres des falaises de Gwin Zegal, lueur fugitive et illusoire qui rapidement s’épuise sur les contreforts du futur. Porté par les mots, dans l’obscurité, se dessinent des horizons intimes et secrets qui s’écartent du chemin et projettent les vies dans un univers qui ne sera jamais plus comme il a été.
Il était parti, Colomb, sur la mer océane pour s’inventer un futur, son futur rêvé sur lequel comme sur du fumier s’enrichira l’occident. D’autres parcours invisibles et inconnus ont cherché fortunes et aventures. Tant de parcours solitaires percutés et interrompus par ces petits détails de l’histoire si fréquemment guerrière. Tant de parcours flottants qui se sont heurtés sur les récifs du malheur, de l’illusion aurifère et pourtant mortifère. Tant de parcours que nous ignorons, ceux sur lesquels se sont fracassées tant de coquilles humaines inconnues.
Tout cela, bien en vain.
Le gigantesque troupeau humain grouille, termitière dévorant lentement le moindre bois mort résistant jusqu’à la sécheresse aux banlieues dortoirs et aux périphériques saturés.
Finis les pâturages ondulants, paisibles s’abandonnant lentement vers la côte. Oubliées l’orchidée des prés et la giroflée sauvage des falaises, oubliée la forêt épaisse qui protégeait la celtitude. Il n’y aura plus d’après, notre monde est fini, vaincu, épuisé par son exploitation surhumaine ; il n’y a plus la moindre ressource nouvelle en nous, pour nous, la société marchande a fini de la sucer.
Abandonner la terre, chercher la lumière et le soleil au-delà de l’horizon maritime, porter le regard vers d’autres infinis où flottent, nagent et volent les esprits de nos mères et pères, entre Sirius et Arcturus, Aldébaran et Altaïr. Dans ces pays purs et ouatés, mon Amour, dans l’infiniment grand nous apprendrons à rompre avec l’ethnocentrisme mortifère et nous imaginerons une autre vie et d’autres parcours lointains.
