L’Assemblée Interprétative du 26 Juin 2022

De quel côté tirer le bateau ?

L’entreprise de la bibliothèque des futurs est singulière, tout comme celle des audit poétiques de Roland. Tu écris Roland : « L’articulation de la langue et de la poésie avec les autres plans n’est pas une gymnastique facile».
Il y a en effet un pont à problématiser entre « bibliothèque » – et les écrits qu’elle abrite – et « futurs » qui est de l’ordre du vécu anticipé. Tout le débat de l’avant et après-guerre sur l’intellectuel engagé ou organique jetait le pont entre le travail intellectuel – qui inclut la poésie ou la fiction mais les déborde – et le vécu présent à dénoncer ou transformer. Un poète comme Armand Robin est – selon moi – au cœur de cette problématique, jusque dans son itinéraire : écriture, puis seulement traduction, puis « audit politique » à travers ses écoutes radiophoniques. Mais c’est le cas aussi de tant d’écrivains, notamment les russes ( Zamiatine aurait sa place dans la bibliothèque des futurs ), Louis Guilloux…Vous traduisiez bellement cela dans l’invitation à l’assemblée du 9 mai : « Ils mettent en mots et en images LES TRACES DU FUTUR dans nos actes, dans nos langues, dans nos modes de vie ».

Mais il y a aussi un pont – ou un saut – entre assemblées interprétatives restreintes ( et leur entre-soi, leurs codes, leur confort aussi sans doute) et assemblées grand format (au risque de la haute mer). Ce n’est pas le même type de navire. La question est de savoir s’il faut tirer le bateau d’un côté ( littérature ) ou de l’autre ( société) . Les peuls que je fréquente disent que lorsque l’on est en face de ce type de dilemme il ne faut pas entrer dedans : il faut ou bien le contourner ( c’est sans doute pour cela qu’ils ont la réputation d’être fuyants, sournois ), ou bien sauter – «s’élever» – c’est-à-dire passer dans un autre monde ( c’est là qu’ils sont fascinants) . C’est la question du rapport entre réel et imaginaire.
C’est aussi celle du pouvoir subversif des mots dans une période où nous connaissons surtout les mots anesthésiants du pouvoir, distillés dans les « éléments de langage » ou les mots-valises.
D’une certaine façon Anne Auffret transpose cette question de ce que l’on dit et de la façon de le dire dans le domaine du chant, de façon très intéressante. Je vous joins le lien pour l’entendre et la voir.
À bientôt