Alexandre Koutchevsky

Interprétations

F.A.M.

Quelque part entre Matrix, Gérard Genette et Marinetti, on trouve Gildas Milin. Matrix, ou toute une série de films maniant l’art de l’inventive destruction magnifique, l’art du monstre, du personnage indestructible. 
Gérard Genette, ou tout autre auteur de théorie littéraire qu’on avalait (difficilement) en Licence de Lettres.
Marinetti, pour la forme de F.A.M. Car dans cette Licence de Lettres justement, – licence de l’être, c’est drôle je le vois seulement aujourd’hui, sans doute un effet Milin – on avait travaillé Bataille poids + odeur de Filippo Tomaso Marinetti, papa du Futurisme. C’est à cela que j’ai pensé dès les premières lignes de F.A.M. Une forme de construction graphique verticale qui m’a rappelé Bataille poids + odeur, où la disposition des mots sur la page, leur taille, leur typographie, jouent autant que ce qu’ils racontent.
Curieusement, dans F.A.M., Milin se passe du signe mathématique ou du symbole graphique autre que la lettre de l’alphabet, là où Marinetti use des signes +, =, x, >. Je dis « curieusement » car le goût pour l’accélération produite par la brièveté est, lui, bien présent. Et l’on sait que le signe mathématique est un condensateur de sens.

2 (pas de 1, mais pourquoi pas après tout, la licence Milin me rend très libre ce matin). Jouissance et progressivité des manières de détruire. Ça me fait penser à Zombies de Laurent Quinton, où des personnages de classe moyenne s’évertuent à torturer leurs supérieurs qu’ils considèrent responsables de tous leurs malheurs. Ainsi d’un professeur qui intime l’ordre au ministre de l’éducation nationale de se taire, puis l’énuclée à la petite cuillère (enfin, dans mon souvenir).
Jouissance de la physique. F.A.M. déploie l’éventail des manières de séparer les atomes d’un corps. Et cette façon qu’ils ont de toujours se recomposer me fait penser au méchant Terminator de métal liquide dans Terminator 2.

Mais je me demande quand même, au final, si le personnage de roman n’est pas susceptible de disparaître à coups de procès, au moins temporairement, le temps que passe la frénésie victimaire où tout un chacun peut se sentir visé par une fiction.
En ce sens je pense que le personnage de théâtre est beaucoup plus durable parce que le théâtre est une petite niche et qu’à peu près tout le monde s’en fout. Et puis le personnage de théâtre a pour lui ses deux mille ans d’Histoire, contrairement au personnage de roman.