Sophie Michel

Interprétations

Bunkering

« Ils ne voient pas qu’ils vivent de dettes »

« Papa aimait les bêtes.

 Il aimait les poignarder.

 La nuit.

 Les égorger. »

À travers ce troisième extrait, on peut s’interroger sur l’héritage donné au personnage par son père. C’est un héritage en argent, en pouvoir, mais aussi un héritage encombré des morts : la mort des animaux, la mort d’une femme, l’interrogation sur la mort de la première épouse et du premier enfant. Je vois aussi à cet endroit une métaphore du patriarcat – le personnage du père est tellement plus important que celui de la mère – responsable de ce que le cinéaste Antoine Coppola, appelle aujourd’hui « nécro-capitalisme », décrivant un capitalisme prédateur des êtres humains et de la nature. « Une femme » passe son temps à s’entraîner au stand de tir : elle reproduit le geste de son père mais dans le vide, sans objectif sans sens. 
J’aime l’idée que cette pièce montre « une femme » en train de se débattre avec ce que la société patriarcale a construit. « Une femme »  qui n’est pas encore le « héros » d’un récit construit et d’une action nécessaire. Les récits qui nous construisent montrent des hommes forts – Achille était le meilleur de tous les Grecs – , des héros. « Une femme » est encore en train de chercher quelle voie prendre pour combattre ce dont elle a hérité malgré elle et ce dont elle fait partie malgré elle. Dans Bunkering, elle n’est pas encore « le héros » de l’histoire mais elle cherche comment le devenir.Replier